Interview de Yassine BEN DHAOUI – Directeur adjoint du groupement S2IP dont setec tpi est mandataire

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le projet Lyon-Turin ?

Le projet Lyon-Turin est un projet de ligne de chemin de fer à travers les Alpes, entre la France et l’Italie. Il s’agit du projet du plus long tunnel du monde, il fait 57,5 km. Il est découpé en plusieurs chantiers opérationnels (lots), setec est mandataire de la maîtrise d’ouvrage de 2 chantiers opérationnels couvrant environ 25km.

Ce chantier engendre quantité de déblais, il y a donc un vrai enjeu environnemental. Pour réduire au maximum l’empreinte du projet, nous avons fixé la barre très haut avec un programme ambitieux de réemploi de ces matériaux d’excavation ; pour y parvenir, nous avons donc pensé le projet en termes d’économie circulaire : les matériaux sortent des entrailles de la montagne, on les transporte par convoyeur à bandes, on les trie, les stocke, les traite, on les concasse puis on les réutilise dans la fabrication du béton.

Nous avons un véritable objectif de réemploi, 15 à 20% des matériaux issus de la montagne devraient être réutilisés dans la fabrication de béton.

Un autre objectif : réutiliser de l’ordre de 50% de ces volumes excavés dans des aménagements paysagers, dans des remblais qui sont des aménagements qualitatifs pour des travaux d’autres lots du projet de TELT et même d’autres communes. Le reste servira à combler d’anciennes carrières.

Quels sont les avantages du projet sur les voyageurs et le FRET ?

La vallée de la Maurienne est très fréquentée par le trafic routier. L’Italie est un fournisseur majeur de l’Europe (acier, agriculture, etc.). L’idée de ce projet est de basculer une grande partie du trafic routier sur un trafic ferroviaire, ce qui permettrait de réduire l’empreinte carbone. Par ailleurs, les tunnels du Mont Blanc et du Fréjus vont être soulagés par la mise en service de cette ligne qui va apporter un vrai plus à la gestion de leur sécurité routière.

Concernant les voyageurs, le trajet Lyon-Turin s’effectuera en moins de 2 heures contre plus de 4 heures avant les travaux, ce qui est significatif pour la connexion des grandes métropoles européennes.

Quel est le rôle de setec dans ce projet ?

Nous sommes mandataires sur ce projet. Une répartition des sujets techniques a été opérée en phase de conception, le rôle de setec couvrait alors :

  • Le pilotage du projet par setec tpi ; > La gestion des matériaux d’excavation, leurs réemplois, la conception de nouvelles formules béton…, piloté par le lerm ;
  • La conception de nouvelles méthodes de calculs avec une approche nouvelle pour la mise en place des soutènements et le phasage d’excavation, piloté par terrasol ;
  • L’assistance environnementale, pilotée par setec international ;
  • setec opency mène une mission COP avec setec organisation ainsi qu’une mission prorata sur la base vie de Saint-Jean de Maurienne.Bien évidemment, nous étions associés à la conception de tous les autres sujets : tunnelier, équipement de sécurité, planning, etc.

Nous avons également un rôle de coordination d’interface entre les différents lots mais aussi de pilotage interne au groupement pour faire en sorte que tous les partenaires travaillent dans le même sens.

Avec quelles entreprises le groupe setec s’est associé ?

Pour mener à bien ce projet nous sommes associés, pour la mission de maitrise d’œuvre complète, à Systra côté France, Italferr côté Italie, et PINI, des Suisses qui ont une grande expertise dans les tunnels avec de très grandes couvertures.

Quels sont les enjeux ?

Les enjeux majeurs dans ce projet sont liés à l’environnement pour le client et le territoire. D’où les très hautes contraintes pour la préservation de la faune et flore ; mais aussi pour le respect des riverains. Notamment les sources d’eau auxquelles nous accordons une grande importance en mettant en place des suivis très détaillés des venues d’eau en souterrain et des sources afin de faire les corrélations nécessaires et déployer toutes les mesures nécessaires pour neutraliser la moindre incidence sur les écosystèmes associés. Enfin, il y a bien évidemment des enjeux de délais et de coût pour assurer le respect des engagements vis-à-vis de l’Europe, financeur principal du projet (financé à 40% par l’Union européenne, à 35% par l’Italie et à 25% par la France).

Qu’est-ce que ce projet apporte au groupe setec ?

C’est un projet tellement riche et diversifié qu’il apporte une vraie capitalisation de savoir-faire dans plusieurs domaines mais aussi des challenges d’innovation dans divers domaines, à savoir :

  • Nous travaillons actuellement avec le lerm sur un protocole d’essai performanciel d’un béton XA3+, un protocole de validation par approche performantielle d’un béton résistant à un environnement agressif supérieur à XA3, ce qui n’existe pas dans les normes actuelles. C’est un travail collaboratif avec tous les acteurs du projet, c’est-à-dire l’entreprise, le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre ainsi que des laboratoires externes. Le savoir-faire du lerm est essentiel, ils sont mobilisés avec nous sur ce sujet ;
  • Une autre innovation qui a été lancée sur ce projet sont les étanchéités des ouvrages souterrains en très grande profondeur. Il y a donc un protocole performanciel mené par le CETU avec plusieurs fabricants pour assurer la fourniture de membrane d’étanchéité suffisamment dimensionnée vis-à-vis des contraintes mécaniques que subissent ces tunnels à forte couverture. Tout cela, c’est une capitalisation dans le groupe setec. Cela nous ouvre aussi des marchés européens, suisses, autrichiens, qui sont plus avancés sur ces sujets-là qu’en France.