setec renforce son expertise dans la construction bois ! Ce domaine, en pleine croissance, représente un levier important pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Interview croisée de Didier Sauvage, directeur de l’activité bois-construction chez setec tpi, Valentina Bruno-Hure, Iari Agez et Jordi Cornudella, ingénieurs chefs de projets chez setec tpi, sur le positionnement stratégique de ces missions chez setec.

 

Quelles sont les missions principales du pôle bois-construction ?

Didier : La majeure partie de notre travail se concentre sur le bâtiment, principalement le logement et les équipements comme les écoles et les gymnases qui représentent 80 % de la construction bois. Nous travaillons en maîtrise d’œuvre avec les architectes pour les promoteurs ou en sous-traitance pour les entreprises qui nous sollicitent sur la partie étude. Par exemple, nous avons réalisé des bâtiments d’habitation multi-niveaux de 5 à 7 étages dans le Village des Athlètes. Actuellement, nous travaillons aussi sur la conception d’une passerelle en bois pour une gare dans les Alpes. Plus les projets sont techniques et diversifiés, plus ça nous intéresse.

 

En quoi la filière bois est-elle un positionnement stratégique pour setec ?

Didier : Cela s’inscrit dans la démarche Ingénieurs & Citoyens qui a été déclinée en diverses actions dont certaines concernent l’engagement en faveur de solutions plus vertueuses d’un point de vue environnemental. De fait, le bois fait partie de ces solutions. Il y a un autre aspect lié à la réglementation, la RE-2020, qui fixe des seuils d’émissions carbone et prévoit qu’ils seront de plus en plus stricts avec le temps. Cela impose de recourir à des solutions bas-carbone dont le bois fait partie eu égard à sa capacité à stocker le carbone.

Valentina : Ce qui a changé la donne en bâtiment, c’est effectivement la RE-2020 parce que la réglementation environnementale impose des seuils difficilement atteignables en ne faisant que du béton. Là où nous avons des cartes à jouer, c’est sur les projets plus complexes où il y a un mix de matériaux. Nous avons toutes les compétences en interne : bois, béton, métal, géotechnique avec la société setec terrasol.

Jordi : setec est connue pour ses projets en béton et en acier, et nous n’étions pas positionné sur le bois alors que de plus en plus de projets intègrent une composante bois. Les besoins sont là et les architectes s’y intéressent.

Iari : Effectivement, le bois est en plein essor. On le voit chez les jeunes qui ont des convictions personnelles en matière d’environnement et n’ont pas forcément envie de rejoindre une grosse structure qui ne fait que du béton. Cela leur semble contradictoire avec leurs engagements.

 

Quelle est la part d’innovation dans vos projets ?

Didier : L’innovation porte sur deux aspects :

  • Le premier porte sur l’étude des compatibilités entre les solutions techniques retenues puisque, jusqu’à présent, la technique courante restait la maçonnerie. Aujourd’hui, de plus en plus, on assemble des systèmes constructifs différents : du béton pour le socle, du bois autour et dans les étages supérieurs. Cela conduit à faire des investigations techniques sur le comportement des matériaux entre eux.
  • Le deuxième concerne la prise en compte des spécificités de la fabrication hors site. La plupart des ouvrages en bois sont préfabriqués ce qui nous demande de nous pencher sur les techniques de fabrication et leurs limites pour éviter de concevoir des ouvrages trop complexes.

C’est innovant en termes d’études.

 

Et si vous deviez penser à une idée qui viendrait bousculer tout ce qui se fait aujourd’hui, ce serait laquelle ?

Valentina : La « démontabilité » dans une logique de réemploi est la véritable innovation. La conception de structures qui puissent, à terme, être complètement démontables, pour permettre de réutiliser les poutres, les poteaux dans un autre bâtiment reste encore à développer. Ce serait un vrai gain pour le bois. Aujourd’hui, on fixe des tiges métalliques dans le bois, qu’on ne peut pas retirer sans endommager la poutre.

Jordi : L’autre innovation, ce serait probablement l’utilisation d’autres essences de bois. En France, en construction, l’epicéa est utilisé, il s’agit d’un résineux. Pourtant, ce n’est pas le bois le plus commun, c’est plutôt le feuillu. Et aujourd’hui, beaucoup de forêts de résineux dépérissent à cause du réchauffement climatique : les températures augmentent, les insectes prolifèrent et détruisent les forêts. Il y a le hêtre, dont la résistance à la compression est comparable à celle des meilleurs bétons, mais c’est un matériau très sensible à l’eau. L’enjeu est donc d’identifier quelles autres essences pourraient convenir.

 

Quels sont les enjeux globaux liés à cette filière ?

Jordi :  Il y a la question des incendies sur laquelle nous travaillons pour intégrer plus de bois en construction. Cela passe par la pédagogie auprès des maîtres d’ouvrage, pompiers et architectes pour montrer qu’on gagnerait à développer le bois.

Valentina : Aujourd’hui, il y a un volet de calculs spécifiques à la modélisation des incendies. En y associant des essais en vraie grandeur, l’objectif est de faire évoluer l’opinion publique. Les normes incendie varient selon le type d’habitation, le nombre d’occupants, la hauteur par rapport au sol. Par exemple, les échelles des pompiers mesurent 28 mètres : au-delà de cette hauteur, un facteur de dangerosité important s’applique.

Iari : Cela se calcule aussi au feu : il ne faut pas dépasser un certain temps réglementaire d’exposition. Contrairement au métal, qui tient jusqu’à une certaine température avant de s’effondrer, le bois ne réagit pas de la même façon. La partie non atteinte par les flammes conserve sa résistance. Il est possible de calculer la section résiduelle capable de résister après X minutes d’incendie. Or le bois constitue une masse combustible : plus on en met, plus cela alimente le feu.

 

À la rencontre de Iari Agez, ingénieure cheffe de projets béton et métal, qui nous en dit plus sur sa réorientation vers les sujets bois…

 

Pourquoi avoir fait cette bascule ? Qu’est-ce qui vous attire dans le bois par rapport aux autres matériaux ?

Iari : J’ai pris conscience que le métal et le béton ne suffisent plus aujourd’hui. Avec la réglementation environnementale imposée aux nouveaux projets, les maîtres d’ouvrage doivent se tourner vers d’autres matériaux. Moi qui souhaite continuer à concevoir des bâtiments, je me suis dit qu’il me manquait ce bagage pour mener à bien un projet dans sa globalité. C’est ce qui m’a poussée à m’intéresser au bois. Je donne aussi des cours dans les écoles, et la nouvelle génération ne s’intéresse presque plus au béton ou à l’acier. Quand ils s’attaquent à un projet, ils commencent la conception en choisissant des matériaux comme la pierre, le bois ou même la terre.

 

Qu’est-ce que cela a impliqué comme adaptation et apprentissages ?

Il a fallu que je me forme très rapidement au bois, puisque j’ai directement travaillé sur des projets d’exécution. En exécution, on est le dernier maillon de la chaîne : c’est nous qui donnons à l’entreprise les éléments essentiels pour réaliser l’ouvrage ; l’erreur n’est pas permise. Grâce à l’université interne et à toute l’équipe bois, composée de personnes formées uniquement au bois, j’ai pu mener à bien des projets. C’est un travail collectif où nous nous soutenons les uns les autres.

 

En quoi la construction bois est-elle, selon vous, un secteur porteur ? Qu’est-ce qui explique la tendance actuelle à l’éco-conception ?

Il y a une prise de conscience qu’il faut protéger l’environnement dans lequel nous vivons et que les ressources ne sont pas inépuisables. Le bois est un matériau renouvelable et il est moins polluant que l’acier, par exemple, dont la production nécessite une grande consommation d’énergie, ce qui nuit à l’environnement.